Combat gagné pour Rheebu nuu
Six ans de bras de fer![]() usine de goro-nickel |
Art paru dans les nouvelles calédoniennes Le « pacte pour un développement durable » signé samedi entre coutumiers du Sud, Rheebu Nuu et Goro Nickel met fin à un conflit vieux de plus de six ans. Violence, manifestations, blocages, procès… Rappel d’un parcours mouvementé. Juillet 2002 : naissance de Rheebu Nuu Paradoxalement, ce n’est pas l’usine de Goro (dont la version numéro 1 était en chantier) qui a provoqué la première grosse levée de boucliers des habitants du Grand Sud. Mais la décision prise le 5 juillet 2002 par Jacques Lafleur, alors président de la province Sud, d’accorder sans réelles contreparties le gisement minier de Prony ouest à Inco (maison mère de Goro Nickel). Les gens du Grand Sud ont alors eu le sentiment qu’on les spoliait de leurs terres et de leurs richesses. À l’époque, Raphaël Mapou est membre du gouvernement calédonien (dirigé par Pierre Frogier), sous l’étiquette FCCI. Il en fait encore partie quand il crée le « comité de surveillance du développement du Grand Sud ». Il en part officiellement fin juillet 2002. Le 14 juillet 2002, une journée de protestation est organisée à Yaté. Une nouvelle journée de mobilisation est organisée le 15 août. Cette fois, le comité organisateur s’appelle Rheebu Nuu. Le 30 août, entre 3 500 et 4 500 personnes défilent dans Nouméa « pour la défense du patrimoine minier ». Décembre 2002 : arrêt du chantier Dès septembre 2002, la direction d’Inco s’inquiète du dérapage des coûts et des lenteurs du projet. En fait, le dossier d’ingénierie a été mal ficelé. Une première pause du chantier est décidée en septembre après la visite du grand patron d’Inco. Il s’agit de « resynchroniser les opérations », explique-t-on alors. Début octobre 2002, la construction reprend timidement sous les protestations de Rheebu Nuu. Le 6 décembre, c’est l’arrêt pur et simple. Les grandes entreprises étrangères plient bagage, des sous-traitants locaux se retrouvent en grande difficulté. Inco décide de tout reprendre à zéro, ce qui prendra trois ans. Rheebu Nuu annonce que rien ne se fera sans l’accord des populations locales. Décembre 2003 : première annulation de l’attribution du gisement de Prony À la suite de recours exercés par une douzaine d’organisations et d’élus d’opposition, le tribunal administratif de Nouméa annule le permis de recherche (qui vaut permis d’exploitation) accordé 18 mois plus tôt par Jacques Lafleur à Inco Goro Nickel. En janvier 2004, Jacques Lafleur prend une nouvelle délibération réaccordant, à peu près dans les mêmes termes, le gisement de Prony à Goro Nickel. Nouvelle salve de recours. Octobre 2004 : un permis d’exploitation controversé Mai 2004, la province Sud change de mains. Jacques Lafleur cède la place à Philippe Gomès. En octobre de la même année, le nouveau président accorde un permis d’installation classée à l’industriel qui n’a pas encore repris son chantier. Ce permis, accordé malgré l’avis très réservé de la Direction de l’environnement de la province, est rapidement l’objet de polémiques. Des recours en annulation sont déposés devant le tribunal administratif, et une plainte pour corruption et ingérence part au tribunal correctionnel. Elle fait toujours l’objet d’une instruction. Fin 2004 : reprise du chantier et premiers affrontements Le chantier de l’usine du Sud reprend progressivement en fin d’année 2004 et début 2005. C’est le temps des affrontements et des sabotages. Fin janvier, Rheebu Nuu bloque l’accès au site de construction avec des hommes et des engins. Raphaël Mapou et André Vama sont arrêtés puis placés en garde à vue. Leur procès, le 13 avril 2005, tourne au plaidoyer pour les droits des peuples premiers. A leur sortie du palais, les leaders de Rheebu Nuu organisent une marche avec leurs troupes vers l’hôtel de province. Les condamnations tombent en mai : des peines d’amende avec sursis. Octobre 2005 : deuxième annulation du permis de Prony Comme prévu, le tribunal administratif annule pour la deuxième fois le permis accordé par la province Sud à Goro Nickel sur le gisement de Prony. Elle détient déjà celui de Goro. ![]() ![]() Mars-avril 2006 : Goro en état de siège Début 2006, malgré la promesse de Raphaël Mapou de ne plus recourir aux actions de force ; malgré les comités et les missions créés par Philippe Gomès pour surveiller et améliorer le respect environnemental de l’usine, les tensions reprennent aux abords du chantier. Un « stand d’accueil et d’information » de Rheebu Nuu est installé route de la Madeleine. Il se transforme vite en camp de base pour manifestants, et finalement en barrage routier. Par solidarité, les habitants de Saint-Louis font le spectacle sur la route du Mont-Dore. Le chantier est suspendu. La direction de Goro Nickel menace de tout arrêter. Une première intervention des forces de l’ordre aboutit à plusieurs arrestations le 2 avril. Des contre-manifestations de « pro-Goro » sont organisées à Yaté et Nouméa. Le 15 avril, une charge de gendarmerie à la Madeleine fait des blessés de chaque côté (des coups de feu sont tirés) et aboutit à seize arrestations. Juin 2006 : le permis ICPE annulé Le permis accordé en octobre 2004 par Philippe Gomès est annulé par le tribunal administratif. La justice estime que les études d’impact ont été insuffisantes et que le principe de précaution n’a pas été respecté, notamment en ce qui concerne les rejets en mer. Inco doit revoir sa copie. Le président de la province relance des études environnementales indépendantes. Actuellement, un nouveau permis est sur le point d’être signé, avec cette fois des rejets en mer de manganèse, de chrome et de cobalt fortement revus à la baisse. Octobre 2006 : Inco repris par CVRD Inco se fait absorber par le groupe brésilien CVRD. Le nouveau super-géant est baptisé Vale Inco. Avantage, la froideur pragmatique anglo-saxonne fait place à la subtilité latino-tropicale. Le courant passe mieux avec les gens du Sud. Dans le même temps, le travail sur l’environnement fait son chemin. ![]() Avril 2008 : arrêt de la pose du tuyau Dernier cheval de bataille des opposants à l’usine, le tuyau. Cette fois, désormais, il ne pollue plus guère, mais il passe par des « lieux mythiques ». En avril, cette année, des manifestations dans le Sud conduisent Goro Nickel à suspendre la pose dudit tuyau jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. C’est chose faite.
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