Essai sur le destin commun
Essai sur le destin commun en Kanaky
vendredi 21 août 2009,
Essai sur le destin commun en Kanaky
« Si y a pas moi, y a pas de pays pour toi »
Ce mercredi 12 Aout 2009, L’histoire retiendra que Nouméa la blanche** s’est enfin réveillé. Une foule énorme est descendue dans les rues pour dire non à la violence, pour dire oui au destin commun. Quel beau message que celui-ci ! De la réalité à l’utopie, on se rend compte aujourd’hui qu’il faut des rêves pour construire de grande idées. Qu’il faut rêver de paix et de non violence, rêver d’une communauté de destin, 21 ans après la mythique poignée de main de Jean Marie Tjibaou et de Jacques Lafleur.
Partie d’une bonne volonté en somme, cette marche m’interpelle. Peut on faire la paix sans équité sociale ?
Alors que la fracture se creuse depuis de nombreuses années. Qu’il n’y a jamais eu autant de « squatts » à Nouméa, ces habitats précaires en bordure d’autoroute, ou vit une population pauvre à majorité océanienne. Alors que notre économie de comptoir a depuis le début de la colonisation n’a jamais cessé d’enrichir les mêmes familles, la même catégorie sociale, entremêlant les monopoles économiques aux relations politique et institutionnel. Devenant une caste si puissante, si riche et influente, qu’il est difficile de remettre en cause cette légitimité du dominant sur le dominé.
Alors qu’une politique de flux migratoire par le travail est mise en place depuis les années 70, et s’est accentuée ces dix dernières années avec les différents projets métallurgiques.
On constate une minorisation des kanak dans des pans entiers de l’économie. Même le terme d’« Immigration » devient tabou dans notre société, à l’inverse, le destin commun s’emploi à tord et à travers.
Et pourtant cet apport bénéfique de populations extérieures, de compétences nouvelles, le métissage et la mixité sociale qui en résulte, provoque au même moment une marginalisation social et ethnique en Kanaky. Il est devenue coutumier de se taire sur ces déséquilibres, tout comme au temps béni des colonies, on nous formate à voir et accepter que le coté positif du système, sans jamais remettre en question son aliénation.
Volontairement on voit rejaillir sur chacune de nos revendications, ce reflexe simpliste de transposer un contexte métropolitain à sa colonie. Le réduisant à une manipulation raciste et xénophobe de notre part, alors que nous portons nos revendications sur des luttes sociales et sur une lutte légitime de libération nationale.
Sous leur vision, nous devenons stéréotypés au rang d’agitateur notoire, aveugle et ingrat, envers la société.
Paradoxalement, ils ne reconnaissent pas l’exclusion en France des clandestins et des sans papiers qui souhaitent y vivre. Ils ne reconnaissent pas « les Roms », marginalisé et discriminé au sein de l’Europe, parce qu’ils ne sont pas sédentaire et donc pas contrôlable par les états.
De la diabolisation à la reconnaissance du fait Kanak, il y a une réalité, nous ne représentons que 44% de la population sur la terre de nos ancêtres.
Partie d’une idée pertinente de « vivre ensemble », j’interpelle les initiateurs de cette marche. Le destin commun saurait il se faire sans base solide?
Nos élus cultivent la politique de l’exclusion sociale et du désengagement de l’accord de Nouméa. Ces mêmes élus freinent des quatre pieds aux congrès ou au gouvernement concernant les signes identitaires, sur l’emploi local et sur la citoyenneté. Ce sont ces individus qui sont responsable de la crise sociale et identitaire que traverse la kanaky !
On veut construire, mais pas avec un gouvernement qui dilapide l’argent public. Pas avec un gouvernement qui paye ses employés à manifester dans un but populiste. Alors qu’il y a peu de temps, nos élus interpellaient l’état français sur le manque de moyen pour faire face aux transferts de compétences.
Et pourtant on a construit aussi tous les 24 septembre au Mwaka. Même si toutes ces années on ne voyait pas de volonté probante de la part du gouvernement ou des élus, pour construire un destin commun. Il n’y avait pas 26 000 personnes quand on a porté le Mwaka ou le guerrier dans la ville. Pourtant nous étions là, kanak, caldoches, polynésiens, asiatiques, antillais pour porter le guerrier qui guide notre fenua, baie de la moselle.
« L’esprit blanc »** condamne le destin commun.
Avoir « l’esprit blanc » en Kanaky c’est ne pas prendre position. Avoir « l’esprit blanc » c’est être apolitique de toute chose concernant l’avenir de notre archipel. C‘est faire abstraction des sujets qui fâchent et qui dérangent la société. Comme la libération nationale, comme la fracture sociale ou encore la suprématie des grandes familles dans notre économie. Cette couleur d’esprit séduit la composante métropolitaine car elle leur permet d’éviter les débats passionnés et sensibles, qui pourraient remettre en question la raison même de leur venue dans ce pays.
C’est tellement plus simple de s’étonner que la maison brule et de se dire qu’en effet la maison brule ! La fumée s’échappe pourtant depuis de nombreuses années, certains l’ont signalé mais cela n’interpellait les foules, cela n’interpellait pas Nouméa la blanche*.
Nos ancêtres ont su accueillir différentes populations bien avant la colonisation française. Je parle de nos frères polynésiens qui se implantés sur l’ile d’Ouvea, et qui pratiqué déjà le destin commun. L’Océanie part sa culture du voyage et de l’hospitalité, n’a besoin d’aucun modèle pour y faire face. C’est une des bases de nos cultures « primitives ».
Nous espérons simplement que Nouméa la blanche* sera être aussi là pour célébrer le Mwaka avec le peuple Kanak.
« si y a pas moi, y a pas de pays pour toi »
Yoan Yeteii Boewa
*terme employé pour désigner localement la ville de Nouméa et son agglomération ou vit majoritairement la composante européenne qui constitue une frange de la population relativement aisée en rapport avec la composante océanienne.
**je rajoute volontairement le terme esprit à « blanc » pour bien signifier qu’il s’agit ici d’une métaphore et nullement d’une allusion à une couleur de peau.