compte rendu du déplacement des délégués de LA PIROGUE à Genève
Bordeaux, le 25 septembre 2011
Objet : compte rendu du déplacement des délégués de LA PIROGUE à Genève
Mesdames, Messieurs,
Vous trouverez ci-joint le compte rendu du déplacement des délégués de LA PIROGUE à Genève. Nous avons participé à dix huitième session du conseil des droits de l’homme afin d’assister à la remise du rapport de James ANAYA sur la situation du peuple kanak et d’alerter sur la problématique de la société transnationale GEOVIC avec son projet d’extraction de la chromite sur le littoral de Nouvelle-Calédonie.
Le coordinateur de LA PIROGUE
Yoan BOEWA
Les Kanak à la dix-huitième session du conseil des droits de l’homme*
Du 12 au 30 septembre 2011 se tient à Genève le dix-huitième conseil des droits de l’homme. Pour l’occasion plusieurs délégations kanak ont fait le déplacement afin d’assister, le 20 et 21 septembre 2011, à la remise du rapport sur la situation du peuple kanak établie par James ANAYA, rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les ONG qui ont fait le déplacement pour l’occasion sont :
Roger CHO pour le Congrès populaire coutumier kanak(CPCK), Yoan SeteÏ BOEWA et Jean Michel Wadewi WASHETINE de l’association kanak LA PIROGUE, André FOREST avec Jean Luc KAPARIN et Roch HAOCAS pour l’Union syndical des travailleurs kanak et des exploités(USTKE), Melemel WAYARIDRI de l’Union nationale du peuple kanak(UNPK), Dick SAIHU pour le Conseil national des droits du peuple autochtone(CNDPA). Du coté des institutions de la Nouvelle-Calédonie, Samuel GOROMIDO, Jean Luc MAHE et Raphael MAPOU se sont déplacés pour représenter le Sénat coutumier.
La remise du rapport de JAMES ANAYA sur la situation du peuple Kanak
Le 20 et 21 septembre s’est déroulé un débat interactif avec James ANAYA, rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, et Vital BANBANZE, président du mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones. Lors de ce débat interactif James ANAYA a remis différents rapports sur la situation des peuples autochtones, en Nouvelle-Calédonie(France), en République du Congo, en Nouvelle-Zélande et dans la région des Saamis (Suède, Finlande et Norvège). Il a également remis des rapports spéciaux sur des cas précis de violations des droits des peuples autochtones au Suriname, Costa Rica et au Guatemala.
C’est suite au lobbying des ONG Kanak que James ANAYA s’est rendu en visite officielle en Nouvelle-Calédonie en février 2011 pour rencontrer diverses autorités administratives, politiques, civiles et coutumières. La visite du rapporteur spécial a été menée par le Sénat coutumier sous la conduite du CNDPA. Puis durant le mois de juin 2011, le rapporteur spécial a séjourné à Paris afin de rencontrer les représentants de l’état français pour des entretiens concernant le peuple kanak.
Dans son rapport, James ANAYA a émis des recommandations qui devraient inspirer l’Etat français et les institutions de la Nouvelle-Calédonie sur des questions relatives aux droits de l’homme, comme la participation des kanak à la vie politique, la langue kanak, la culture et patrimoine kanak, les disparités sociales et économiques, la femme kanak…
Lors du débat interactif, le représentant de la France accompagné de Samuel GOROMIDO, président du Sénat coutumier, a réaffirmé les grandes dispositions de l’accord de Nouméa comme la reconnaissance de l’identité mélanésienne et de la coutume, la reconnaissance des préjudices subies par la population autochtone, la restitution des terres confisquée aux populations, la participation pleine et entière des kanak à la prise de décision…
Pour les ONG, faute de temps de parole accordés pour s’exprimer, seul Roger CHO du Congrès populaire coutumier kanak(CPCK) a répondu au rapporteur spécial et au conseil des droits de l’homme sur la remise du rapport. Le coordinateur du congrès populaire a tenu à spécifier dans sa déclaration au rapporteur spécial les dysfonctionnements du sénat coutumier en matière de restructuration des chefferies et de mise en place d’un cadastre foncier:
« Le sénat coutumier y est présenté comme un exemple de bonne pratique, de participation et de prise de décision pour le peuple kanak. Cette institution instaurée par l’accord de Nouméa en 1999 a deux fonctions : administrative et consultative. Lors de sa création, le sénat coutumier avait deux objectifs principaux : la restructuration de certaines chefferies et la mise en place du cadastre foncier, deux chantiers restés inachevés. Le sénat coutumier n’est pas adapté ni adéquat, il ne représente pas les clans traditionnels des différentes chefferies ».
Le CPCK a également demandé à la France que la compétence de l’ADRAF reste de sa propre compétence et ne soit pas transférée au gouvernement à la Nouvelle-Calédonie comme stipulé dans l’accord de Nouméa. Enfin il a demandé à la France de ratifié la convention 169 de l’OIT*.
Panel sur le rôle des langues, de la culture et de l’identité des peuples autochtones
Après le débat interactif, le conseil des droits de l’homme a traité d’un panel ayant attrait aux populations autochtones. Le conseil a décidé de « mettre sur pied, lors de sa dix-huitième session, un panel d’une demi-journée sur le rôle des langues et de la culture pour la promotion et la protection du bien-être et de l’identité des peuples autochtones ». Après l’intervention des panélistes, des états, ce sont les ONG qui se sont exprimées.
Parmi elles, l’USTKE par le biais de Roch HAOCAS a fait une déclaration. Le syndicat a signalé « la marginalisation sociale du peuple kanak et ses conséquences politiques, économiques et culturelles sont un frein à la mise en application des différents points inscrits dans l’accord de Nouméa. Ces marginalisations, acculturations et discriminations débutent au sein du système éducatif pour les enfants kanak » et le retard de l’institution scolaire calédonienne dans ce domaine. L’USTKE a ensuite invité le gouvernement français à ratifier la charte européenne des langues minoritaires et la convention 169 de l’OIT.
Des Accréditations obtenues par des réseaux de solidarité
Actuellement aucunes ONG Kanak ne disposent du statut ECOSOC, statut délivré par le Conseil économique et social(ECOSOC). Cet organisme fait la liaison entre les ONG et les instances onusiennes. Il est d’ailleurs le seul organe officiel des Nations Unies permettant la participation des ONG. Le statut ECOSOC est une sorte de sésame pour les ONG, il permet d’obtenir des accréditations donnant la possibilité d’accéder à tous les grands événements et permet également l’obtention de temps de parole. Ce sont des accréditations d’ONG affilié au statut ECOSOC qui ont permis aux ONG kanak de pouvoir participer à la dix huitième session du conseil des droits de l’homme.
Le CPCK a axé sa présence à l’ONU sur la résolution des conflits fonciers et travaille énormément avec d’autres ONG bien implantées au sein des Nations unies. Ce qui permet au CPCK d’obtenir des financements pour la prise en charge du déplacement de ses délégués sur Genève. L’UNPK a utilisé pour ce déplacement le soutien du Groupe international de travail pour les peuples autochtones (GITPA/IWGIA) de Suède afin d’obtenir l’accréditation nécessaire à sa participation au conseil des droits de l’homme.
L’association kanak LA PIROGUE a bénéficié pour sa part du soutien de F.A.I.R.A, organisation autochtone aborigène pour participer à l’événement et l‘USTKE a utilisé son réseau international avec le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (M.R.A.P). Pour le CNDPA c’est essentiellement par l’intermédiaire de subvention des institutions de la Nouvelle Calédonie et d’autofinancement qu’elle peut se déplacer en dehors du pays. Pour l’accréditation que cette structure a pu bénéficier, nous n’avons pas eu d’information.
Des ONG Kanak connues à Genève mais inconnues en Kanaky
Nous avons constaté que le CPCK, l’UNPK et l’association Kanak LA PIROGUE, bien que très actives aux Nations unies, sont peu connues dans le pays Kanak et absent de la scène médiatique. Même les délégués du syndicat l’USTKE (2ème syndicat de la Nouvelle-Calédonie en nombre d’adhérent) ne connaissaient pas ces organisations à leurs arrivées sur Genève.
A l’inverse le CNDPA de Dick SAIHU est assez bien connue au pays pour son combat au niveau autochtone mais elle est peu présente à Genève et son réseau de solidarité international est inexistant. Il est évident qu’il y a un manque de communication de ces structures sur le travail de lobbying qu’elles exercent à l’ONU. En plus du manque de communication, on constate un manque de cohésion au sein des délégations.
Le CPCK travaille uniquement dans le domaine de la résolution de conflit foncier, l’UNPK sur l’autodétermination du peuple autochtone, de même que pour le CNDPA. Il est intéressant de signaler que les relations du CNDPA avec le CPCK et l’UNPK sont tendues. L’association Kanak LA PIROGUE s’est orienté sur la problématique de l’exploitation des ressources naturelles en milieu autochtone avec l’exemple de la société transnationale GEOVIC et son projet d’extraction de la chromite sur le littoral de Nouvelle-Calédonie.
Malheureusement aucun contact formel n’a pu être établi entre les ONG kanak et la délégation officielle du Sénat coutumier. Il nous était flagrant de constater que cette dix huitième session du conseil des droits de l’homme était à la fois le rendez vous des Kanak de la société civile et aussi ceux du monde institutionnel.
*Le Conseil des droits de l’Homme
Le conseil des droits de l’homme est un organe intergouvernemental des Nations-Unies composé de 47 états membres qui traitent de toutes les questions relatives aux droits de l’homme. Le conseil a été créé en 2006 par l’assemblée général avec pour mission de rendre compte de la violation des droits de l’homme et d’émettre des recommandations à leur encontre. Parmi les mécanismes qu’utilise le conseil des droits de l’homme pour fonctionner, on retrouve l’Examen Périodique Universel (EPU) qui passe en revue tous les quatre ans les réalisations de l’ensemble des 192 états membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme. On retrouve les procédures spéciales de l’ONU qui sont représentés par une personne appelé rapporteur spéciale ou par un groupe de travail composé de 5 membres (un pour chaque région du globe).
*La convention 169 de l’OIT
La convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants a été adoptée en 1989 par l’Organisation International du Travail(OIT), une agence des Nation-Unies. Elle est avec la déclaration des droits des peuples autochtones, adoptée en 2007, la référence internationale en termes de droits des peuples autochtones. C’est également le seul outil contraignant de défense des peuples autochtones, sa ratification par un état, l’engage à garantir de manière effective l’intégrité physique et spirituelle des peuples autochtones vivant sur leurs territoires et à faire disparaître toutes formes de discriminations à leur encontre.